Le programme ANR LIMINAL traite des interactions et médiations langagières et culturelles entre acteurs en situation de crise migratoire.
LIMINAL programme focuses on the interactions and mediations between migrants and institutional, associative and informal actors in situations of migration.
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LINGUA (NON) GRATA : les langues à l'épreuve des politique migratoires
Que font aux langues les espaces sociaux de la migration ? De quelles façons mettent-elles à l’épreuve les politiques migratoires ? Que deviennent les sujets et les langues sur le qui-vive face à la langue de souveraineté du pays d’arrivée ? Quelles sont les politiques de traduction, le rôle des « traduisants », bénévoles ou salariés impliqués dans l’acte de traduire sans en avoir ni le statut ni la légitimité ? L’expérience migratoire invente-t-elle des bricolages linguistiques spécifiques – un parler de la migrationcomposé d’acronymes, de mots inventés, détournés ou codés, de schibboleths, utilisés par les exilés mais aussi, parfois, par les solidaires et les administrations de l’asile ? Et si c’est le cas, comment qualifier ce « migralecte », le collecter et l’analyser, restituer sa charge subjective, ses violences – coloniales, racialisées, policières –, et ses puissances – de dérision, de résistance, de subversion ? Ces questions ont mobilisé les chercheurs du programme multidisciplinaire LIMINAL (Linguistic and Intercultural Mediations in a context of International Migrations, Agence nationale de la recherche / Inalco) pendant quatre intenses années. Aux frontières franco-italiennes et franco-britanniques, dans les campements et structures d’Ile de France, dans des centres d’accueil parfois isolés, à Calais, Paris ou Vintimmille, les membres de l’équipe ont repéré ces mots utilisés à l’oral, observé leurs usages et élaboré une méthodologie d’analyse avec les locuteurs exilés et réfugiés. Ce programme résolument et nécessairement collaboratif a appréhendé la place des langues pour ce qu’elle est : une question politique, celle du sens, entre subalternisation et gestion des indésirables. Partir de la langue c’est en effet aborder « la vie souterraine » des exilés selon l’expression d’Erving Goffman, celle qui n’est pas connue des « dominants » de l’asile ; prendre pleine mesure de sa centralité, c’est également interroger sa minoration dans les études des migrations ; évaluer les manques de traduction, c’est enfin s’engager dans la formation de médiateurs pairs, c’est-à-dire dans une professionnalisation des traduisants, tel que le propose le DU Hospitalité, médiations, migrations (Inalco) depuis deux ans maintenant. Pour présenter les résultats de LIMINAL et réfléchir aux enjeux du cosmolinguisme constitutif des situations de migration, le colloque s’articulera autour de plusieurs ateliers, nommés par quelques-uns des plus de 400 mots du migralecte constitué : welcome, border, violence – en anglais et en français, mais utilisés ou compris dans bien d’autres langues ; tarjuman en farsi, tarjoman en pachto, dalmechar en ourdou – l’interprète au sens large ; shiou’iyin littéralement le « communiste » en arabe soudanais, terme désignant bénévoles et militants ; agent, en anglais, ourdou et persan, muharrib en arabe ou samssari en tigrinya – le passeur, opposé au sens plus neutre du fonctionnaire de police ou de l’agent de sécurité en français; muhajir, l’exilé, le réfugié en arabe mais aussi en dari et pachto ; Yunan – la Grèce, antique terme qui viendrait de Ionie ; yôdegôri en farsi « souvenir de », et enfin boza, migralecte aux sens multiples… Ces table-rondes, avec des communications courtes et des coordonateurs-intervenants, regrouperont différents acteurs de la solidarité et de la recherche, du documentaire et de l’art, dans la droite ligne des ateliers réflexifs du Briançonnais (14-16 mai 2021). Entre lingua franca et persona non grata, la Lingua (non) grata, intitulé du colloque comme de l’ouvrage collectif* à paraitre fin 2021, entend contribuer à « déprovincialiser » – au sens de Dipesh Chakrabarty –, la xenobureaucratie et ainsi à penser les conditions politiques d’une hospibabélité. *Lingua (non) grata. Langues, violences et résistances dans les espaces de la migration, sous la dir. de Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky et Alexandra Galitzine Loumpet, Presses de l’Inalco, à paraître fin 2021.
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